Attention fraude: votre miel (importé) est peut-être coupé au sirop
Achetez vous vraiment du miel? Article très intéressant publié sur « On n’est pas des pigeons » le 23/03/2023
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23 mars 2023 à 18:08•3 min
Par Françoise Walravens
Vous avez peut-être dans vos placards ces « faux miels ». Et pourtant, c’est interdit ! 46% des miels testés, importés en Europe, en provenance surtout de Chine et de Turquie, contiendraient des sirops de sucre.
Comment une telle fraude est-elle possible ? Et depuis quand existe-t-elle ?
Un rapport édifiant
» Un miel sur deux importés en Europe serait frauduleux et souvent non détecté » révèle la Commission européenne dans son rapport “From the hives” (‘De la ruche’) publié le 23 mars 2023. Sur les 320 lots de miels testés, 46% ne seraient pas vraiment du miel. Ils contiennent des sirops de sucre à base de riz, de blé ou de betterave sucrière.
» Une fraude qui existe depuis très longtemps et qui avait déjà été dénoncée par certains producteurs de miel qui se plaignent de distorsion de concurrence », souligne Eric Marin, responsable du secteur Fraude alimentaire à la Direction Générale Santé de la Commission européenne. « Nous avons commencé ces tests il y a deux ans, en collaboration avec le Joint Research Centre situé à Geel en Belgique qui a développé une nouvelle méthodologie. Avant, les fraudeurs diluaient le miel avec des sirops de sucre à base d’amidon de maïs ou de canne à sucre. Mais se sachant surveillés, ils les ont remplacés par des sirops fabriqués principalement à base de riz, de blé ou de betterave sucrière que les nouvelles méthodes du JRC ont réussi à détecter.« , poursuit-il.
« Nous aimerions que cette nouvelle méthodologie qui n’est pas encore utilisée par les laboratoires officiels au sein des États membres, ni par les laboratoires privés qui font les tests pour l’industrie soit validée afin de détecter au mieux les fraudes. Mais il faudra encore attendre un peu… Un, deux, trois ans.« , continue-t-il.
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» En Europe, nous sommes dotés de réglementations fortes dans le domaine alimentaire pour protéger les consommateurs. Pourtant, cette nouvelle enquête » démontre selon Ingrid Kragl, Directrice de l’information chez Foodwatch, que : » des milliers de tonnes de miel frauduleux pénètrent le territoire européen. Et donc nos supermarchés depuis des années sans que nous n’en soyons jamais informés. »
Elle explique: « Et pour cause, les services de contrôles nationaux mais aussi les laboratoires privés passent à côté de la fraude, car leurs moyens sont insuffisants et ils n’utilisent pas encore cette nouvelle méthode développée par le Joint Research Centre qui permet de repérer les nombreuses adultérations sur les faux miels importés.
Foodwatch demande » maintenant un électrochoc politique : la fraude est massive et sous nos yeux. Mais elle reste un tabou. Nous voulons des moyens de contrôles à la hauteur de l’enjeu et une méthodologie harmonisée pour repérer la fraude au miel. » Pour Foodwatch , » les citoyens ont le droit de savoir s’ils consomment des produits hors-la-loi « , s’insurge Ingrid Kragl , auteure du livre-enquête sur la fraude alimentaire “Manger du faux pour de vrai”.
Aucun risque pour la santé ?
Impossible à l’œil nu, ni même au niveau de la couleur, de la texture, du goût de détecter ces « faux miels ». Heureusement, ces analyses n’ont pas détecté de produits nocifs pour notre santé.
» Il y a tromperie pour les consommateurs par rapport au type de produit acheté, car quand on achète un miel, on espère qu’il est sain, naturel. Or ces miels coupés avec des sirops ne correspondent pas à leur attente ». Mais dans ces 320 lots analysés, nous n’avons pas détecté des mélanges avec des sucres non destinés à l’alimentation. Aucun risque de santé publique, » confirme Eric Martin.
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Une fraude qui rapporte gros
Cette dilution frauduleuse du miel avec des sirops de sucre rapporte gros et le risque de se faire attraper est faible.
« En moyenne, un miel importé en Europe coûte 2,30 euros par kilo alors que les sirops de sucre fabriqués à partir de riz coûtent entre 0,40 et 0,80 euros au kilo » , explique Eric Marin. Le gain économique est donc énorme.
Sur 44 sociétés d’importation qui ont été investiguées, neuf ont déjà été sanctionnées : cela va du rejet de leurs produits, à un rappel ou des destructions et aussi des pénalités financières.
La Commission européenne insiste pour que les États membres et les opérateurs prennent leurs responsabilités.
Il est toutefois difficile de renforcer les contrôles à l’importation, car il n’existe pas de liste des établissements autorisés à exporter du miel vers l’UE. La passoire risque de perdurer…